L’histoire du 6, Mandel

Le 6, Mandel… dans l’intimité des géants. 

Textes de Jérome Buisson, Conférencier, Historien d’art

Au sommet de la colline de Chaillot, le 6 Mandel domine la ville. Mystérieux belvédère préservé de l’agitation du monde. Discrète thébaïde, où chacun s’isole pour mieux se retrouver. Les géants, dont l’œuvre a façonné le 20 ème siècle, connaissent bien l’endroit, ils en ont fait leur refuge !

Dans l’ombre du jardin, ils ont dissimulé leurs peines de cœur et leurs amours secrètes. À l’abri des façades, ils ont goûté aux profondeurs de la solitude, aux plaisirs du repos, à leur passion de la collection, aux joies de l’amitié… Du haut des toits bleus, ils ont contemplé leur légende s’étendre sur la ville et le monde…

Si le 6 Mandel est un lieu à part dans le paysage parisien, c’est qu’il offre à celui ou celle qui s’y installe, pour une nuit, comme pour la vie, l’opportunité d’un dialogue avec lui-même ! Une expérience intérieure sensible, réparatrice et nécessaire.

Aujourd’hui, l’esprit du lieu n’a rien perdu de son charme, de son pouvoir introspectif et de la mémoire de ceux qui l’ont investi. Qui entre au 6 Mandel, marche dans leurs pas et renonce au monde, pour se découvrir soi.

Pearl White

PEARL WHITE AU 6 MANDEL, …REINE EN SON ROYAUME

 

Automne 1923. L’effervescence des Années Folles bat son plein lorsque Pearl White s’installe à Paris. La ville, à cette époque, est le cœur battant de la modernité, le foyer de toutes les audaces, de toutes les avant-gardes ! Au sommet de sa gloire, Pearl White est alors l’actrice américaine la plus célèbre au monde. Elle est surtout la première star de l’histoire du cinéma ! L’icône absolue d’une génération qui, pour oublier la Première Guerre
Mondiale, va s’étourdir de plaisirs et de fêtes. A 34 ans, la reine d’Hollywood a tout quitté pour faire du 6 Mandel son dernier royaume, et des noctambules parisiens, sa dernière cour.
Pour quelques années encore, sa sensualité incandescente va faire vibrer le cœur des hommes avant qu’elle ne disparaisse définitivement, dans la nuit parisienne.
Avant Garbo, Marilyn ou Bardot, Pearl White aura été l’une des premières incarnations de la femme moderne. Libre, indépendante, intrépide et passionnée… Reste aujourd’hui la légende d’une pionnière que le 6 Mandel entretient, et, sur Hollywood Boulevard, une étoile qui porte son nom.

Elisabeth de Camaran-Chimay

  

ELISABETH DE CARAMAN-CHIMAY AU 6 MANDEL, …LÀ OU S’INVENTE LA VIE CULTURELLE

 

Considérée comme la plus belle femme de son temps, la princesse Elisabeth de Caraman-Chimay occupa le 6 Mandel jusqu’à sa mort, en 1952.

Loin du faste des salons de son hôtel particulier de la rue d’Astorg, la maison fut pour elle un refuge. Elle lui permettra d’échapper à l’exigence des mondanités et de planifier ses combats.

Femme engagée, dont le mécénat joua un rôle essentiel sur l’évolution de la scène culturelle française à l’aube du 20 ème siècle, elle favorisera l’installation des Ballet Russes à Paris, soutiendra également de nombreux peintres, parmi lesquels Gustave Moreau, des musiciens tels Franz Liszt, Richard Wagner ou Gabriel Fauré, des écrivains comme Stéphane Mallarmé.

Marcel Proust, fasciné par sa beauté, en fera le modèle de la Duchesse de Guermantes, personnage central d’A la Recherche du Temps Perdu, dont le narrateur – encore enfant – tombe éperdument amoureux.

Christian Dior & Jacques Homberg

CHRISTIAN DIOR AU 6 MANDEL, …LE TEMPS DES AMOURS SECRETES

Soixante ans après sa disparition, la vie intime de Christian Dior est toujours une forteresse imprenable. Rien ne filtre des passions amoureuses qui ont marqué sa vie, et le mystère reste entier sur l’intimité de l’homme qui, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, incarna, seul, la renaissance de la haute-couture française.

Aujourd’hui, seuls quelques initiés savent que le 6 Mandel fait partie de cette histoire et qu’en 1956, un an avant la mort du couturier, Jacques Homberg (1915-2000) en fit l’acquisition. Esthète dilettante, issu d’une famille de financiers, il fut le grand amour du créateur. Le compagnon de route avec qui il partagea, dès la fin des années 1930, ses doutes, ses amitiés et son appartement de la rue Royale. Tous deux eurent en commun le culte de la discrétion et celui des antiquités Belle-Epoque, pour lesquelles ils parcourront l’Europe.
S’ils s’éloignent l’un de l’autre au moment où Christian Dior entre dans la légende, ils ne cesseront jamais de se voir, de s’apprécier et de s’adonner, ensemble, à leur goût immodéré de la collection. Sur les murs du 6 Mandel, entre les tissus persans, Jacques Homberg
conservera toute sa vie les tableaux que le couturier lui offrit. Aujourd’hui dispersée à travers le monde, la collection de Jacques Homberg a disparu. Seul reste son écrin où, dans quelque corridor, résonne encore, parfois, le murmure de leur passion pour l’art.

Nous tenons à remercier chaleureusement Jérôme BUISSON, conférencier et historien d’art,

d’avoir rédigé avec tant d’élégance ces textes.

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